Pauline BURGAIN & Laure VACHER Première S1
Au Brésil, peut-on cultiver le soja en garantissant la liberté et la vie des populations locales tout en profitant des bénéfices économiques ?
Depuis des millénaires l'homme cultive, élève, exploite et ceci en quasi accord avec la nature. Aujourd'hui les nouvelles technologies bouleversent l'équilibre naturel : OGM, engrais, pesticides, déforestation permettent aux multinationales de s'engager dans une véritable course au profit, mais ceci au dépend de la population locale. Violations de droits, agressions, vols et même meurtres sont le quotidien infernal des petits exploitants brésiliens et des associations qui se battent pour défendre leur terre. Comment l'exploitation d'une aussi petite graine telle que le soja peut provoquer d'immenses dégâts sociaux et démographiques ? Est-il possible, au Brésil, d'allier les intérêts économiques au respect du droit humain? Nous tenterons d'éclaircir ce problème dans ce blog.
» Avant de traiter des conséquences que peut entraîner une plante aussi inoffensive que le soja, on se doit d'abord de vous révéler l'identité première de cette plante, son histoire et son contexte actuel...
» Le soja est une plante de la grande famille des légumineuses, voisine du haricot, cultivée surtout pour ses graines oléagineuses(les gousses de soja possèdent 1 à 4 graines). Ses fleurs (rouges, blanches ou mauves selon les espèces) se transforment en gousses. Une fois arrivées à maturité, les gousses brunissent rapidement et tombent.
» On cultive le soja principalement pour sa très forte concentration en protéines, ainsi toute la plante n'est pas consommée et seules deux transformations du soja sont utilisées :
- son huile, qui est, à l'état brut, un produit alimentaire mais qui peut être transformée et donner naissance à des produits d'usage ménager comme la peinture, le vernis, l'encre, le savon, les lubrifiants, les cosmétiques...
- la farine de soja, dont l'utilisation ne fait qu'accroître dans l'alimentation humaine (notamment dans les pays où cette alimentation est carencée en protéines), est aussi la source principale de compléments protéinés pour l'alimentation animale (comme les tourteaux de soja; surtout dans les pays industrialisés).
»La composition alimentaire du soja
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»L'exploitation du soja peut être résumée par deux termes essentiels : elle est intensive & moderne.
» De la découverte du soja à aujourd'hui
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Le soja a mis du temps à s'installer dans notre agriculture mais désormais il tient une place privilégiée dans tout le marché mondial.
» Aujourd'hui le Brésil est le 3e producteur mondial de soja, en compétition très serrée avec l'Argentine et juste derrière les Etats-Unis. Mais si le Brésil continue sur sa lancée, il devrait rapidement prendre la première place mondiale.
» Evolution de la production de soja au Brésil de 1970 à 2005
» De plus la production de soja au Brésil est très irrégulièrement répartie et se concentre dans certaines zones ( comme le Mato Grosso ) situées dans le centre-ouest du pays. La délimitation de ces zones de production de soja est appelé le front.
» Répartition de la production de soja en 2002
Source de la carte en anamorphose : ICI
» Mais ces zones,jadis encore reculées de la forêt, empiettent de plus en plus sur la végétation. Ainsi des premiers plants de soja brésiliens à aujourd'hui, le front s'est beaucoup déplacé et les cultures de soja s'étendent de plus en plus vers le nord :
» Evolution de la production de soja de 1997 à 2002
Source des cartes : ICI
Pour commencer, on peut qualifier les bénéfices économiques de la culture du soja comme inégalement répartis puisque une grande partie de la population brésilienne ne connaît que misère, famine et violence.
» Les avantages de la culture du soja
» Sur place, les gros producteurs sont avantagés par une grande disponibilité en matières premières, et par la présence d'usines de trituration et de transformation du soja (tourteaux de soja...) à proximité. Ils echappent ainsi à de lourdes pertes financières en évitant les importations et en conditionnant le produit à l'étranger.
» En Amazonie, les terres "libres" sont nombreuses( le Brésil possède la plus grande surface de terre cultivable au monde ). C'est le facteur fondamental de l'avancée du front du soja ( plus de surface cultivée signifie plus de rendements ) ainsi que les prix bas de la terre .
» Le développement des infrastructures (routes, chemins de fer, voies navigables...) permet le transport du produit vers les ports et facilite ainsi l'exportation.
» La forte demande internationale pour cette légumineuse permet au pays de devenir un acteur important dans le commerce mondial et permet de nombreux avantages :
- des prix internationaux relativement soutenus
- un apport de capitaux étrangers prêts à s'investir dans les activités industrielles et de négoce brésiliennes
- le pays est devenu un acteur majeur dans les négociations internationales dans le cadre de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), notamment sur les questions agricoles.
» Les politiques publiques, de manière générale, ont permis le développement du soja au Brésil et ceci par de nombreuses mesures:
- la politique de soutien des prix, la politique de crédit
- le Ministre de l'agriculture encourage le défrichement et la destruction de la forêt amazonienne pour planter du soja.
» Les exportateurs :
Ils regroupent les plus gros exploitants capables de faire face à une concurrence mondiale sans limites ( les multinationales implantées au Brésil, notamment ), où règne ce que l'on appelle "l'agro-négoce" ou "l'agrobusiness". Ils sont les négociants et industriels qui assurent les débouchés de la production.Travaillant l'amélioration variétale et l'adaptation des variétés de soja aux conditions agro-écologiques diverses du pays, encouragées par la demande de diversification de l'approvisionnement des pays importateurs; ils mettent au point de nouvelles pratiques agricoles, ce qui permet une augmentation sensible des rendements du soja et un rattrapage vis-à-vis des Etats-Unis,1er mondialement, avec une production de 66 millions de tonnes de graines soja en 2003; placé juste devant le Brésil avec 52 millions de tonnes de graines de soja produitent (en 2003).
» l'Etat (brésilien) :
Nous pouvons appeler l'expansion de la culture du soja : "le boom" du soja (les principales régions concernées sont : le Mato Grosso et les Etats du Nord du Brésil).
La plante rapporte gros à l'Etat sur le marché international et lui permet, ainsi, de payer ses dettes extérieures (mais qu'en est-il des dettes intérieures ?). L'Etat a démontré ses capacités à rassembler, sur ses positions, un nombre suffisant de pays pour faire échouer les compromis élaborés par les acteurs habituels (Etats-Unis, Union européenne) qui, désormais, dépendent du Brésil et ses terres.
Pourtant, en même temps qu'apparaissent ces succès à l'exportation, plus de 40 millions de brésiliens ne mangent pas à leur faim.
En effet les fonds publics sont inégalement redistribués : seuls 25% sont octroyés à des exploitations familiales.
Les principales "victimes du soja" sont les peuples indigènes, mais les populations, à la base rurales devenues urbaines, subissent aussi certains méfaits de cette exploitation.
» L'esclavagisme
Malgré le peu de main d'oeuvre que crée l'exploitation du soja ( une ferme industrielle de soja de 1000 hectares est exploitée par seulement 3 travailleurs , les seuls travailleurs restants sont exploités. 723 cas d'esclavagisme ont été dénoncés en 2002 dans des exploitations agricoles, dans l'état du Mato Grosso alors que l'esclavage a été officiellement aboli en 1888.
Les grands groupes internationaux pratiquent un esclavage moderne : le travailleurs, après avoir cru à de nombreuses promesses, deviennent dépendants de leur embaucheur. En effet, malgré ces traitements inhumains, ils ne peuvent ni fuir ni démissionner : les exploitations sont isolées de tout village et les travailleurs sont souvent soumis à la menace des armes.
Par exemple, les Guaranis (peuple indigène du Mato Grosso) ont été chassés de leurs terres par de grands propriétaires fonciers, depuis, ils sont utilisés comme main d'oeuvre et réduits à l'esclavage.
» Les problèmes sanitaires et nutritifs
Dans les grandes exploitations, herbicides et pesticides sont pulvérisés par avion sans aucune précautions. Ainsi, de nombreux cas d'intoxications (énormément de rivières dont les paysans dépendent pour vivre, sont contaminées par ces produits. Le problème est que seuls des tests scientifiques peuvent le savoir; les peuples, eux, l'ignorent et continuent à la consommer,) de brûlures de la peau ou des yeux ou même de maladies pulmonaires ont été recensés (en 1999, le Ministère de la santé a enregistré 430 morts et 1066 cas d'intoxictaion due à l'utilisation abusive de pesticides dans cette culture, désormais les chiffres approchent les 300 000 intoxications par an).
Quelques pourcentages concrets :
- la mortalité infantile chez les indigènes du Mato Grosso est de 60.5 pour mille naissances soit environ 7 pour cent naissances alors que la mortalité infantile chez les non-indigènes au Brésil est 24.3 pour mille naissances soit environ 2 pour cent naissances.
- 12 % des enfants indigènes sont sous-alimentés (15 % des enfants indigènes sont en dessous du poids normal) alors que c'est seulement 5.7% chez les non-indigènes.
D'après les grands propriétaires, cela peut être interprété comme une technique d'intimidation pour les populations encore résistantes à leur mainmise.
» Les conflits territoriaux
L'année 2003 (première année du gouvernement de Lula) est marquée par un reccord en occupations et victimes autour des conflits agraires...
Pour les multinationales, tout est bon pour gagner de nouvelles terres iccompris la brutalité.Occupations illégales, intimidations et menaces, assassinats de dirigeants syndicaux...les terres cultivables sont vues comme un véritable "butin de guerre".
De plus la zone de culture du soja ( le front ) empiète de plus en plus vers des zones de protection environnementales ou des réserves indiennes.
Ainsi les peuples indigènes sont expulsés brutalement de leur terre et ceci en toute illégalité. Car en effet, la Constitution brésilienne prévoit la protection de la propriété indigène. Mais le Ministre de l'agriculture encourageant la culture du soja, certaines illégalités sont ignorées et la corruption permet l'attribution de terres déjà possédées par de petits paysans ou par des peuples autochtones.
Désormais, poussés à bout, certains indigènes se révoltent ou même pire se suicident.Ces dernières années, des centaines de Guarani, hommes, femmes, enfants, se sont suicidés.
Pour résumer :
» Le gouvernement brésilien actuel est trèspartagé à propos de la culture du soja. Le président et certains de ses ministres ( notamment le Ministre de l'Agriculture ) encouragent le défrichement et tout ce qui s'en suit alors qu'une autre partie du gouvernement se livrent corps et âmes dans une lutte sans limites pour défendre et préserver les terres, pour protéger la ressource vitale qu'est l'Amazonie et ce qu'elle y abrite ( comme la Ministre de l'Environnement Marina Silva ).
L'oganisation environnementale Greenpeace a salué l'implication "directe" du gouvernement brésilien qu'elle qualifie d'essentielle pour fournir un cadre
obligeant les agriculteurs à respecter cette loi.
qui sépare riches et pauvres.
» De nombreuses associations ou campagnes humanitaires militent contre ces conséquences néfastes sur la population brésilienne. Mais leur pouvoir n'est que minime et elles ne peuvent pas changer la loi.Cependant leur soutien est primordial et leurs actions continuent à faire évoluer les opinions et les règles qui ordonnent l'agriculture brésilienne.
Nous allons commencer par vous présenter quelques uns de ces acteurs associatifs :
»Soja contre la vie
Soja contre la vie est une campagne mise en oeuvre 5 grandes organisations :
-le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement)
-la Confédération paysanne
-le Réseau Agriculture Durable
-le Réseau Cohérence
-le GRET ( Groupe de recherche et d'échanges technologiques )
Elle consiste à pousser les grands groupes internationaux ( Cargill et Dreyfus ) et les responsables politiques ( Ministre de l'Environnement, de l'Industrie...) à remettre en cause l'exploitation actuelle du soja brésilien à l'aide de pétitions et de lettres très explicites.
»Greenpeace
Greenpeace est une organisation internationale totalement indépendante des Etats, des religions et autres partis politiques. Son but général est : " de dénoncer les atteintes à l'environnement et d'apporter des solutions qui contribuent à la protection de l'environnement et à la promotion de la paix". Et pour cela ils comptent sur leur méthode de non-violence visant à pousser à la discussion, à la confrontation et au remaniement des choses. On peut citer quelques exemples d'actions qu'entreprend greenpeace au Brésil :
Le 22 mai 2006
" Grâce à des actions combinées (vendredi, blocage de la plate-forme d'exportation de soja dans le port de Santarem au cœur de l'Amazonie, dimanche, marche pacifique avec les populations locales réunissant près de 1000 personnes dénonçant la violence de l'industrie du soja et lundi, blocage des usines de l'entreprise en Angleterre et en France) Greenpeace a poussé les responsables de Cargill à la table des négociations. "
»Survival International
Survival est une organisation internationale qui soutient les peuples indigènes. Elle a été fondée suite à un article de Norman Lewis dénonçant les massacres, le vol des terres et le génocide en Amazonie brésilienne.L'organisation agit pour les droits des peuples indigènes dans trois domaines complémentaires : l'éducation, les campagnes et la recherche de fonds.
» Ils militent tous pour la même chose : une politique agricole juste et durable.
Et pour cela plusieurs points doivent être revus d'après eux :
- d'éviter la présence de soja OGM dans le marché international
- de permettre aux peuples locaux de récupérer leurs
terres et de pouvoir vivre correctement
- d'éviter un déboisement massif et irréfléchi
Mais les principales victimes agissent aussi pour faire respecter leurs droits. Ils forment des coopératives, des associations, des mouvements...
Les Guarani, par exemple, ont décidé de résister à la menace des gros producteurs et se sont unis à des paysans et à la Confédération Nationale des Evêques du Paraguay pour occuper des terres . Ils font aussi parti d'un film documentaire sur leur propre vie et participent à de grandes assemblées avec leurs sympathisants.
Mais malgrè la preuve désormais irréfutable que le soja est en rapport avec les énormes problèmes sociaux du pays, les améliorations se font rares et lentes.
Alors la perspective de voir un jour une société épanouie économiquement et socialement serait-ce une utopie ? la réponse dépend de l'action de chacun...
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